La catégorie des liqueurs souffre souvent d’une image vieillissante. Entre produits trop sucrés et usages limités, cette famille de spiritueux peine à séduire les nouvelles générations de consommateurs. C’est dans ce contexte qu’Arty Spirits bouscule les codes. Leur approche ? Dépoussiérer les liqueurs artisanales françaises… Rien que ça !
Fondée par trois experts passionnés issus de l’univers brassicole, cette jeune entreprise propose des liqueurs artisanales qui se distinguent par leur caractère innovant, leur profil gustatif moins sucré et leur design audacieux. Voyons comment cette marque parvient à réinventer un secteur souvent figé dans ses traditions.
De la bière aux spiritueux : la genèse d’une aventure entrepreneuriale
Nicolas Millet et Julien Luas, deux des trois cofondateurs d’Arty Spirits, partagent un parcours similaire. Après une quinzaine d’années passées dans l’industrie brassicole, notamment chez Carlsberg France et au sein de House of Beer (filiale dédiée aux bières artisanales qu’ils ont contribué à développer), ils ont décidé de se lancer dans une nouvelle aventure.
« On a vu qu’il y avait beaucoup de choses à faire sur un terrain plus vierge, moins saturé », explique Nicolas Millet. « Quand j’avais commencé dans la bière, il y avait 250 brasseries en France. Quand je suis parti, il y en avait 2500. »
Avec leur troisième associé, Frédéric Renaud (ancien vice-président de Kronenbourg), ils forment un trio complémentaire : Nicolas au marketing, Julien aux ventes, et Frédéric à la finance. Cette complémentarité, couplée à leur expérience collective de plusieurs décennies dans le secteur des boissons, leur a permis d’éviter de nombreux écueils classiques de l’entrepreneuriat.
Leur approche peut se résumer en une phrase, affichée fièrement sur leur site : « Là où d’autres suivent, nous innovons. » Une philosophie qui se concrétise dans chaque aspect de leur offre.
Une approche différenciante des liqueurs traditionnelles
Des produits audacieux à la distillation soignée
Ce qui distingue immédiatement Arty Spirits des autres producteurs de liqueurs, c’est leur processus de fabrication. Contrairement à de nombreuses liqueurs industrielles qui se contentent d’une macération suivie d’un ajout massif de sucre, les produits Arty Spirits suivent un processus plus complexe :
- Une macération des ingrédients bruts pendant 3 jours
- Une distillation à Cognac, dans la Spirits Valley
- Une réduction progressive sur 5 semaines avec de l’eau osmosée
- Une édulcoration minimale
Ce processus leur permet de proposer des liqueurs contenant seulement 100 grammes de sucre par litre, soit deux fois moins que la moyenne du marché, tout en garantissant des saveurs intenses et persistantes. Le degré d’alcool plus élevé (25-27° contre 18-20° habituellement) renforce cette tenue en bouche et permet une plus grande versatilité d’usage.
La production à Cognac n’est pas anodine. « On a la chance d’avoir un pays de gastronomie, de terroir et de savoir-faire, reconnu partout dans le monde pour ça », souligne Julien. Ce choix permet d’assurer la qualité du produit tout en soutenant une région viticole qui souffre actuellement des aléas géopolitiques et économiques.
L’innovation au cœur de l’offre
Arty Spirits propose actuellement trois liqueurs :
- Tomato Spirit : La plus audacieuse de leurs créations, utilisant des tomates déshydratées du sud-est de la France pour garantir une qualité constante toute l’année.
- Une Menthe : Une réinterprétation moderne de la liqueur de menthe avec deux variétés différentes.
- Citroncello : Une version française du limoncello italien, moins sucrée et plus intense.
Tomato Spirit représente véritablement l’esprit d’innovation de la marque. Transformer un légume en une liqueur équilibrée a nécessité de nombreux essais. Après avoir testé des tomates entières et du coulis, l’équipe a finalement opté pour des tomates déshydratées qui, une fois réhydratées dans l’alcool, permettent d’obtenir une concentration optimale des saveurs.
Pour développer ces recettes, les fondateurs se sont entourés d’experts, dont Jean-Luc Braud, ancien ingénieur R&D chez Rémy Martin. « On a fait un travail de dingue avec lui pendant 6 mois », raconte Nicolas. « On aurait pu lancer les produits avant, la qualité était optimale, mais il nous manquait toujours un petit truc. On a ressenti la perfection pour nos recettes. »
Un design qui Dépoussière les codes de la catégorie liqueur
Des bouteilles en verre 100% recyclé
L’engagement écologique d’Arty Spirits se manifeste notamment dans le choix des bouteilles. Celles-ci sont fabriquées à partir de verre 100% recyclé, ce qui réduit leur empreinte carbone de 20% par rapport à la moyenne du marché.
Ces bouteilles présentent une légère teinte bleutée et des imperfections qui résultent d’un processus de fabrication nécessitant moins de chaleur. Loin de les cacher, la marque met en avant ces « défauts » comme partie intégrante de leur identité visuelle et de leur démarche environnementale.
« Le verre est super parce que c’est recyclable, mais il pose quand même une problématique : il faut le chauffer énormément, et donc c’est une consommation d’énergie qui est dingue », explique Julien. Cette approche s’inscrit dans une réflexion plus large sur la réduction de l’impact environnemental, qui inclut également des étiquettes durables permettant le réemploi des bouteilles.
Une identité visuelle forte et une architecture de marque réfléchie
Arty Spirits a fait le choix audacieux de ne pas créer une simple gamme de liqueurs, mais plutôt trois marques distinctes unifiées sous une maison-mère. Chaque produit dispose ainsi de son propre logo et de sa propre identité, tout en conservant une cohérence graphique qui permet de les identifier comme appartenant à la même famille.
Les étiquettes colorées et contrastées tranchent radicalement avec les codes traditionnels du secteur, souvent dominé par des designs classiques et des tons beiges. Ce parti pris esthétique s’accompagne d’une véritable recherche de qualité : papier gaufré, vernis sélectifs, or à chaud et découpe particulière.
Cette architecture de marque offre une grande flexibilité pour l’avenir. « Si demain on doit être connu sous Tomato Spirit ou Citroncello plutôt qu’Arty Spirits, ça sera presque un succès », affirme Nicolas. Cette stratégie rappelle celle des grandes maisons de spiritueux qui possèdent plusieurs marques distinctes, sans nécessairement mettre en avant leur appartenance à un même groupe.
Des touches personnelles viennent humaniser les produits : chaque bouteille mentionne le prénom de son « créateur » parmi les trois fondateurs, et porte un numéro correspondant à leur date de naissance respective. Ces petits détails créent de la proximité avec les consommateurs et racontent une histoire.
Démultiplier les usages des liqueurs artisanales
L’un des objectifs majeurs d’Arty Spirits est de transformer la perception et les occasions de consommation des liqueurs. « On veut décloisonner l’usage des liqueurs », affirme Julien. « La liqueur, ce n’est pas juste le truc de papi au coin du feu le dimanche midi, ou un sirop plein de sucre écœurant. »
Leur vision s’articule autour de trois modes de consommation principaux :
- À l’ancienne, sur glace : Les trois liqueurs fonctionnent parfaitement avec des glaçons et éventuellement un zeste d’agrume.
- En long drink avec un mixer simple : Tonic, ginger beer ou eau gazeuse, pour des cocktails faciles à réaliser à la maison.
- Dans des cocktails plus sophistiqués : La marque collabore avec des mixologues pour développer des recettes créatives.
Tomato Spirit se prête particulièrement bien à des créations originales, notamment avec des ingrédients herbacés comme le basilic ou la roquette, ou des notes salées comme le jus de cornichon. Ces associations s’inscrivent dans la tendance montante des cocktails salés.
La marque travaille activement à identifier des « cocktails signatures » pour chacune de ses liqueurs, qui devront être à la fois distinctifs et facilement reproductibles. « Si on veut qu’un cocktail explose un jour, il faut qu’il soit assez simple en réalisation », note Nicolas, citant l’exemple du Spritz ou de l’Espresso Martini.
Stratégie de distribution et perspectives internationales
Une distribution sélective et progressive
Contrairement à de nombreuses start-ups qui visent immédiatement la grande distribution, Arty Spirits a choisi de se concentrer d’abord sur les CHR (cafés, hôtels, restaurants) et les cavistes.
« On n’a aucun intérêt pour la grande distribution », affirme Nicolas. « Beaucoup d’autres boîtes ne jurent que par la grande distribution parce que c’est de la masse, mais nous, on veut que nos produits soient reconnus avant d’aller faire du marché de masse. »
Cette approche permet à la marque de construire sa légitimité et sa notoriété auprès des professionnels et des amateurs éclairés, avant d’envisager une distribution plus large. C’est aussi un moyen de maintenir un contrôle sur l’image de la marque et d’éviter les pièges des exclusivités contraignantes, une erreur que les fondateurs ont connue dans leurs expériences passées.
Des ambitions internationales mesurées
Si l’export fait partie des ambitions d’Arty Spirits, l’équipe aborde ce développement avec prudence. « On a plusieurs pays qui montrent un véritable intérêt pour nos liqueurs, de par leur positionnement », explique Julien. « Le côté français marche bien, tant dans les pays nordiques, mais on a aussi des touches au Canada, par exemple, et deux-trois touches en Asie. »
Cependant, la priorité reste de construire une base solide en France. « On n’a que six mois d’existence », rappelle Nicolas. « On a déjà beaucoup de demandes en France. On construit bien notre marché. Bien sûr, on ira saisir les opportunités, mais pas à n’importe quel prix. »
Cette approche mesurée reflète la vision à long terme des fondateurs et leur expérience du secteur des boissons, où une expansion trop rapide peut se révéler risquée, notamment en termes de gestion des stocks et de capacité de production.
L’avenir des liqueurs artisanales repensées par Arty Spirits
En seulement six mois d’existence, Arty Spirits a déjà réussi à se faire remarquer dans le paysage des spiritueux français. Leur approche innovante, tant dans la création de produits que dans leur stratégie de marque, offre un exemple intéressant de modernisation d’une catégorie traditionnelle.
La marque navigue avec habileté entre respect des savoir-faire français et innovation disruptive, entre préoccupations environnementales et exigences gustatives. Ce positionnement semble particulièrement pertinent à l’heure où les consommateurs recherchent des produits plus naturels, moins sucrés, mais toujours riches en saveurs et en histoires.
Les défis ne manqueront pas pour cette jeune entreprise : développer de nouvelles recettes, étendre sa distribution, conquérir l’international… Mais avec un trio de fondateurs expérimentés et une vision claire, Arty Spirits possède de solides atouts pour continuer à dépoussiérer le monde des liqueurs.
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🧵 Ressources :
- SIte Internet : arty-spirits.com
- Intagram de la marque : @arty.spirits
FAQ : Tout savoir sur la modernisation des liqueurs artisanales
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Ludovic Mornand
PODCASTER & BOSS FINAL
Ludovic est le fondateur et directeur de Studio Blackthorns et SuperPotion™. Il anime les émissions SuperPotion™, The Bottlefield Show et 1000 Hectos, toutes les trois spécialisées dans le secteur de la boisson.
« À travers ce podcast, à la fois fun et enrichissant, j’ai souhaité marquer mon empreinte d’expert dans le secteur de la boisson alcoolisée et non-alcoolisée en invitant des professionnels de l’industrie : brasseurs, distillateurs, vignerons, cavistes, journalistes. Mon but est d’apporter de l’inspiration à ces acteurs de la filière Potions pour les aider à sans cesse se renouveler. C’est ainsi qu’est né le podcast SuperPotion™, une émission divertissante et empreinte de nostalgie pop-culture pour les années 90s. SuperPotion, un élixir d’innovation pour sublimer toutes vos boissons ! »