En dix ans, Paname Brewing Company a transformé une simple passion pour la bière craft en un véritable écosystème territorial parisien. De leur première tap house sur le canal de l’Ourcq à leurs implantations dans les terminaux de Roissy-Charles-de-Gaulle, cette brasserie artisanale illustre parfaitement comment structurer une croissance territoriale sans perdre son âme craft.
Tomas Kennedy, responsable stratégie et développement commercial, révèle les coulisses d’une stratégie d’expansion qui fait école dans le secteur brassicole français.
L’histoire d’une expansion maîtrisée : du canal de l’Ourcq aux terminaux parisiens
Les fondations : le choix stratégique du Quai de la Loire
L’aventure Paname Brewing Company débute en 2015 avec un concept de brewpub sur le canal de l’Ourcq. Le choix de ce lieu ne doit rien au hasard : cet ancien bâtiment des magasins généraux possédait historiquement une vocation d’acheminement de matières premières par bateau, notamment de la bière, des spiritueux et du malt.
Cette connexion historique avec l’univers brassicole représentait plus qu’un simple clin d’œil. Elle posait les bases d’une identité territoriale forte qui deviendrait le fil conducteur de toutes les implantations futures. Le 19e arrondissement, alors en pleine mutation, offrait également un terrain propice au développement d’un concept innovant dans un quartier qui ne jurait que par le canal Saint-Martin.

La montée en puissance : l’étape Cité Fertile
Trois ans après l’ouverture, Paname franchit une étape décisive avec son implantation à la Cité Fertile en 2018. Cette transition d’une capacité de production de 1 000 hectolitres par an à 9-10 000 hectolitres marque le passage du statut de micro-brasserie à celui d’acteur industriel régional.
Le choix de la Cité Fertile s’inscrit dans la même logique patrimoniale : cette ancienne gare SNCF conservait sa vocation d’acheminement de matières premières, cette fois par rail plutôt que par bateau. Cette cohérence dans le choix des lieux témoigne d’une stratégie de marque mûrement réfléchie, où chaque implantation renforce l’histoire et l’identité de Paname.
L’innovation dans la distribution : conquérir les hubs de transport
Montparnasse et Charles-de-Gaulle : un pari audacieux
L’implantation dans les gares et aéroports en 2024 représente un tournant majeur dans la stratégie de Paname. Ces points de vente s’appuient sur un modèle de licence de marque, comparable à une franchise, développé avec les sociétés qui exploitent ces espaces de transit.
Cette approche répond à une volonté de renouvellement de l’offre dans ces lieux de passage. Fini les sempiternels « relais, Starbucks et McDo » : les gestionnaires de gares et d’aéroports cherchent désormais à proposer des concepts originaux et des produits locaux. Pour Paname, c’est l’opportunité de toucher une clientèle massive tout en valorisant le savoir-faire brassicole parisien.
Les défis de la standardisation
Cette expansion soulève néanmoins des questions cruciales sur la préservation de l’identité craft. « Le turnover élevé nous oblige à former constamment le personnel à notre carte, nos produits et nos styles de bière », explique Tomas Kennedy. Cette complexité opérationnelle illustre les défis inhérents à la démocratisation d’un produit artisanal dans des environnements hautement standardisés.

Saint-Denis : l’aboutissement d’une vision industrielle
Un investissement stratégique majeur
Le déménagement vers Saint-Denis marque l’aboutissement de la montée en puissance industrielle de Paname. Ce nouveau site, installé dans un ancien bâtiment de vente de vin orné d’un Bacchus sur sa façade, respecte une fois encore la cohérence patrimoniale de la marque.
L’investissement, initialement autofinancé par l’activité de restauration et la vente de bières, a nécessité l’entrée d’un nouvel investisseur : la brasserie Pietra. Cette acquisition par Hugo Sialelli s’inscrit dans une logique de développement des brasseries locales, Pietra ayant déjà investi dans plusieurs régions françaises.
Un positionnement territorial assumé
La proximité avec Paris reste un élément clé de la stratégie. À dix minutes de la Porte de la Chapelle et à côté du Stade de France, le site de Saint-Denis permet de conserver l’esprit parisien tout en bénéficiant d’un espace de production adapté aux ambitions de croissance.

Architecture de marque et cohérence territoriale
Paname : plus qu’un nom, un positionnement
Le choix du nom « Paname » traduit une volonté de représenter un Paris authentique, loin des clichés touristiques. « Nous ne voulons pas représenter ce Paris rose bonbon, ‘Emily in Paris’, avec des codes très traditionnels du luxe parisien », précise Tomas Kennedy. L’objectif est de véhiculer l’image d’un Paris moderne, cosmopolite, qui fait le lien entre la capitale et sa banlieue.
Cette identité territoriale influence directement les choix d’implantation. Chaque lieu doit raconter une histoire cohérente avec l’univers de marque, tout en conservant une accessibilité depuis Paris. Cette approche permet de maintenir l’authenticité artisanale tout en développant une présence commerciale significative.
De PBC à Paname : évolution d’une architecture de marque
L’évolution du naming illustre la maturation de la stratégie de marque. Paname Brewing Company demeure l’entité globale regroupant restauration et production, tandis que « Paname » s’impose comme la marque de bière grand public. Cette simplification facilite la mémorisation et renforce l’impact commercial.
Les enjeux de la croissance : préserver l’artisanal dans l’industriel
Démocratiser sans dénaturer
L’expansion de Paname soulève une problématique centrale du secteur craft : comment démocratiser la bière artisanale sans perdre son caractère authentique ? La stratégie adoptée consiste à maintenir un laboratoire d’expérimentation au Quai de la Loire, avec près de 200 recettes développées depuis la création.
Cette approche permet de conserver l’innovation et la créativité au cœur du projet, tout en alimentant les autres sites avec des recettes éprouvées. Le consommateur découvre ainsi des bières exclusives dans la tap house historique, renforçant l’attractivité du lieu originel.
Concurrence et positionnement sur le marché parisien
Le paysage brassicole parisien compte plusieurs acteurs revendiquant l’identité locale : La Parisienne, Brasserie du Grand Paris, ou encore La Goutte d’Or. Paname se différencie par son approche territoriale assumée et sa volonté de remplacer les bières industrielles : « Quitte à avoir une IPA au bec, pourquoi serait-elle américaine et pas parisienne ? »
Perspectives d’avenir et stratégie de développement
Ambitions territoriales et densification
Les perspectives de développement s’orientent vers une densification du maillage francilien plutôt qu’une expansion géographique massive. Cette approche permet de capitaliser sur l’identité parisienne tout en maintenant la maîtrise opérationnelle des implantations.
L’objectif reste de transformer Paname en alternative crédible aux bières industrielles sur son territoire de prédilection. Cette stratégie de « champion local » s’avère plus durable que la recherche d’une expansion nationale qui diluerait l’identité territoriale.
L’innovation au service de la croissance
Le maintien du Quai de la Loire comme laboratoire d’expérimentation garantit la capacité d’innovation nécessaire au développement futur. Cette approche permet de tester de nouvelles recettes avant leur éventuelle commercialisation dans le réseau, assurant la cohérence qualitative de l’offre.

L’avenir de Paname
L’expansion de Paname Brewing Company démontre qu’il est possible de structurer la croissance d’une brasserie artisanale sans renier ses valeurs fondamentales. En s’appuyant sur une identité territoriale forte et une cohérence dans les choix d’implantation, la marque réussit le pari de la démocratisation tout en préservant son authenticité craft.
Cette stratégie d’expansion territoriale maîtrisée offre un modèle inspirant pour les brasseries artisanales françaises souhaitant franchir un cap. L’expérience Paname prouve que la croissance peut se conjuguer avec la préservation de l’âme artisanale, à condition de maintenir une vision claire et des valeurs cohérentes.
FAQ : Stratégie d’expansion de Paname Brewing Company
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Ludovic Mornand
PODCASTER & BOSS FINAL
Ludovic est le fondateur et directeur de Studio Blackthorns et SuperPotion™. Il anime les émissions SuperPotion™, The Bottlefield Show et 1000 Hectos, toutes les trois spécialisées dans le secteur de la boisson.
« À travers ce podcast, à la fois fun et enrichissant, j’ai souhaité marquer mon empreinte d’expert dans le secteur de la boisson alcoolisée et non-alcoolisée en invitant des professionnels de l’industrie : brasseurs, distillateurs, vignerons, cavistes, journalistes. Mon but est d’apporter de l’inspiration à ces acteurs de la filière Potions pour les aider à sans cesse se renouveler. C’est ainsi qu’est né le podcast SuperPotion™, une émission divertissante et empreinte de nostalgie pop-culture pour les années 90s. SuperPotion, un élixir d’innovation pour sublimer toutes vos boissons ! »