Stratégies de marque dans la filière vins et spiritueux : répondre aux besoins changeants des consommateurs

Temps de lecture : 9 min
Stratégies de marque vins & spiritueux

Comment les marques de vins et spiritueux s’adaptent aux attentes changeantes des consommateurs avec des stratégies innovantes et durables ?

Mémoire rédigé en anglais et réalisé par : Emma Cauvy
MBA1 Wine & Spirits International Management
Institut Supérieur du Vin (ISV Montpellier)
Promo 2021-2022

Sommaire

INTRODUCTION
Part I. A changing consumer: new needs, new demands and behaviors

1. The need for sustainability and traceability: an emerging pattern
a. Health driven purchases
b. Social responsability

2. Wine savvy consumers
a. A rising interest
b. The emergence of wine tourisme

3. The customer: the center of branding policies
a. Lifestyle changes
b. The customer is key
c. Deconsumerism: a real opportunity

Part 2. New Branding strategies as a global response

1. Attracting young consumers
a. Appealing to aspirational curiosity
b. Highlighting sustainability
c. Celebrity and cultural collaborations

2. A new synergy: wine and design
a. A new conception of wine: stepping away from tradition
b. The unboxing experience
c. Building value

3. The rise of the tech world
a. Digital Native Vertical Brands
b. Switching to virtual reality
c. The power of social media

Part 3: A polarization between the ‘’old world’’ and the ‘’new world’’

1. Different countries, different expectations
a. A theoretical ‘‘old world’’ vs ‘‘new world’’
b. The ‘‘French perception’’ of wine: the fear of the brand
c. The ‘‘anglosaxon’’ approach of wine branding

2. Trends going beyond country borders
a. Building a brand
b. Blurring the lines of winemaking
c. The mixology trend

3. Recommendations for the wine and spirits industry and their brands
a. Brand awareness
b. Focusing and building on renewal
c. Personifying a brand

CONCLUSION

La filière vin et spiritueux est à un tournant de son histoire. Elle subit une profonde transformation sous l’effet combiné de nouveaux consommateurs (millenials et jeunes qui sont parfois amateurs de vin ou connaisseurs, et souvent hipsters), de nouvelles offres (vins du nouveau monde, vins naturels) et de nouveaux modes de consommation. Animés par un désir d’authenticité et de découverte, cette nouvelle génération d’amateurs de vin ne rejette pas pour autant la tradition, mais attend qu’on lui propose de nouvelles expériences, comme une découverte, une cause à défendre, un moment particulier, une interaction sociale. Les gens veulent boire en ayant le sentiment de donner un sens à leur acte.

Les producteurs du monde entier essaient de surfer sur ces tendances prometteuses mais peinent encore à les saisir. Dans leur grande majorité, ils n’ont pas l’introspection nécessaire et préfèrent s’en tenir à leurs vieilles habitudes, celles qu’ils connaissent bien. Le problème, c’est que ces habitudes ne font pas écho chez les nouveaux arrivants sur le marché. Pour éviter de proposer quelque chose de superficiel, il faut comprendre les modes et les tendances.

L’époque est également révolue où l’on pouvait vendre avec le jargon ésotérique des amateurs de vin. Un vocabulaire fait de « baies de cassis », de « vieux cuir de selle » et de « sous-bois » est peut-être un peu trop académique et élitiste, et trahit une standardisation de la dégustation. La description d’un vin dépend essentiellement du référentiel et des arômes et saveurs auxquels chacun est habitué.

Les nouveaux besoins du consommateur

En sa qualité de chef de projet et d’ambassadrice de la marque Souleil, une marque récente à l’écoute des priorités des consommateurs et proposant des produits amusants, Emma a pu constater que l’innovation et la créativité sont essentielles quand le consommateur réclame du renouveau. Il faut s’adapter pour suivre le rythme des questions qui gravite autour de notions parfois difficiles à saisir.

La recherche de durabilité et de traçabilité

Les comportements des consommateurs ont évolué, en même temps que le mode de vie, l’intégrité alimentaire, les facteurs de durabilité éthique et écologique, et la communication digitale. Ces forces ont engendré une demande de qualité et de customisation.

Les achats motivés par la santé sont un bon exemple. La consommation de vin a fortement chuté en France depuis les années 1960 car nous avons changé notre modèle de consommation. Autrefois produit de consommation quotidienne, le vin est désormais plus exceptionnel car consommé en plus petites quantités et moins fréquemment, pour des occasions spéciales, des moments de partage. La France prône de plus en plus la consommation raisonnable. Celle-ci est plus « consciente » et raisonnable.

L’intérêt croissant pour l’abstinence explique aussi le développement des vins désalcoolisés et faiblement alcoolisés. Selon un article, 29% des consommateurs français boivent désormais ces produits. Les 18-25 ans sont particulièrement concernés par cette tendance qui traduit un désir de réduire sa consommation d’alcool et de veiller à sa santé.

La responsabilité sociale revêt également de l’importance pour les consommateurs millennials. C’est un facteur qui guide leurs achats. Ils veulent provoquer le changement et insistent pour que les entreprises considèrent leur impact sur la planète et la société. Les jeunes consommateurs usent de leur pouvoir pour initier le changement et redéfinir les attentes sociétales.

Des consommateurs de plus en plus connaisseurs

Le développement de l’œnotourisme témoigne de cette évolution. On note un intérêt croissant pour le « paysage viticole » et le patrimoine culturel du vin. La relation entre l’homme et la terre a toujours été très forte dans la viticulture, mais les domaines capitalisent désormais sur cet attrait. La nature, la culture, les événements, les dégustations deviennent des expériences que le visiteur recherche plus que de simples produits, pour les relations humaines et culturelles.

Les critères de choix évoluent aussi lors de l’achat. L’origine permet de vanter la typicité, le millésime la garantie d’authenticité, les cépages la variété et l’homogénéité gustative, les classements la diversité organoleptique de la typicité.

Le consommateur est devenu plus sélectif, avisé et versatile dans sa fidélité aux marques de vin. Le langage a changé et la qualité est devenue multidimensionnelle, englobant valeurs symboliques, psychologiques et esthétiques en plus des caractéristiques physico-chimiques du produit. L’hédonisme est important, en lien avec le divertissement et les émotions procurées. On est passé du « simple produit » au « système-produit » comportant des facteurs complexes, comme on l’a vu dans certains marchés ces 20 dernières années.

Les nouvelles stratégies de marque

La mondialisation rime souvent avec compétition. Elle pousse les territoires et producteurs à relever les défis d’une concurrence nouvelle et à répondre à une demande tournée vers l’expérience plus que le produit. Dans ce nouveau contexte planétaire, la production, la vente et la consommation de vin ont changé. Les producteurs vendent leurs vins hors de leur région et affrontent la concurrence de lointains producteurs, pour satisfaire les désirs des consommateurs. Les entreprises et marques de vin doivent trouver de nouvelles stratégies pour préserver leur individualité et unicité face aux défis compétitifs. Elles le font en misant sur le marketing et le branding.

Séduire les jeunes consommateurs

Les générations Y et Z ont soif de curiosité et de connaissances, ce qu’il faut exploiter dans le marketing et la communication. Attirer une cohorte jeune et diverse impose de repenser chaque aspect de la marque pour créer de la résonance, en adaptant site internet, chais, packaging, engagements sociétaux… La solution est d’améliorer la valeur perçue du vin face aux boissons concurrentes, en promouvant ses aspects en phase avec les nouveaux consommateurs. Le secteur devrait aussi dépenser bien davantage dans la publicité pour doper la catégorie.

De nombreux producteurs travaillent de façon écoresponsable, minimaliste et sans additifs, mais n’utilisent pas ces efforts dans leur marketing. Pourtant, des valeurs comme le développement durable sont importantes pour les jeunes, qui ignorent souvent que le vin peut les porter. Mieux communiquer sur ces engagements sociétaux et environnementaux aiderait à créer de la résonance.

Une nouvelle synergie : vin et design

Permettre au vin et au design de se rencontrer est un moyen d’obtenir un avantage compétitif. Les vignerons et marques feraient bien de voir le design comme un outil marketing. Le vin en canette ou en Tetra Pak rencontre un beau succès, en permettant une consommation plus décomplexée et en phase avec un mode de vie actif. L’expérience d’unboxing (déballage du colis) est aussi une opportunité pour se démarquer.

Le pouvoir du monde de la tech

Les Digital Native Vertical Brands

Les Digital Native Vertical Brands (DNVB) sont des marques indépendantes nées sur Internet qui se concentrent sur un créneau précis et redéfinissent les codes auprès des nouvelles générations de consommateurs, notamment la Gen Z. Leurs principales caractéristiques sont : une identité forte, la proximité avec les consommateurs, des prix justes, une offre de niche, une fabrication en interne, des valeurs vertueuses et un environnement de travail qualitatif.

La plupart des DNVB n’ont pas de boutique physique. Elles vendent sur leur site e-commerce. Leur force est d’avoir saisi les attentes des consommateurs d’aujourd’hui : qualité, communauté et transparence. Elles mettent l’accent sur l’univers créé autour de la marque, ses valeurs, ses clients mais aussi l’esthétique. Le but est d’immerger les clients dans un univers soigneusement pensé.

L’exemple de la marque de spiritueux Haus est parlant. Fondée en 2019, cette start-up a profité des nouvelles habitudes d’achat d’alcool en ligne nées de la pandémie. Haus surf sur la tendance des cocktails fait-maison avec des plantes naturelles. Sa mission est de servir la jeune génération en proposant une meilleure façon de consommer de l’alcool. Le site web détaille la composition et les informations nutritionnelles de chaque produit, gage de transparence.

La réalité virtuelle

Le paysage numérique évolue rapidement, aussi peut-on s’attendre à ce que la technologie s’intègre davantage dans l’expérience de déboxing, et que les déballages se produisent plus tôt dans le cycle de vente. La réalité augmentée commence à être utilisée. 61% des consommateurs la préfèrent aux expériences traditionnelles selon une étude. Les marques font donc bien d’explorer son potentiel pour l’expérience de déboxing, afin de nourrir l’enthousiasme des clients.

L’étape d’après est de virtualiser entièrement l’expérience de déballage. La demande croissante d’œuvres uniques numériques a vu fleurir les NFT (jetons non fongibles) qui simulent la surprise et l’anticipation du déballage. Ils représentent des objets virtuels ou du monde réel comme des bouteilles de vin. Récemment adoptés par l’univers du vin comme moyen alternatif d’investissement, ils donneront aussi aux vignerons accès à de nouveaux marchés.

Le pouvoir des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux, surtout Instagram, ont un fort potentiel marketing et communicationnel. Les photos et anecdotes régulières, avec hashtags, fidélisent les abonnés qui deviennent des clients. De fameuses maisons de champagne comme Veuve Clicquot ou Dom Pérignon ont vu leur communauté fleurir avec Instagram. Diffuser du contenu généré par les utilisateurs accroît l’engagement.

Mieux comprendre ses clients via les données des réseaux sociaux permet également d’affiner le marketing. Bien que prometteurs, les réseaux doivent rester cohérents avec l’identité de la marque.

La fracture vieux monde / nouveau monde

Des attentes différentes selon les pays

Certains faits illustrent des divergences entre pays : 94% des domaines américains ont une page Facebook, contre 53% en France; 73% un compte Twitter contre 41% en France. Ces écarts s’expliquent par les attentes différentes des consommateurs d’un pays à l’autre.

La « perception française » du vin reste empreinte de craintes envers la notion de marque, vue comme péjorative et inquiétante. Le public français traditionnel recherche des étiquettes « classiques » synonymes de qualité et gage de terroir, alors que le monde anglo-saxon est prompt à l’innovation et la narration.

Mais des marques françaises à succès comme dans le champagne ont adopté de nouvelles stratégies de marque, montrant que l’attachement aux traditions n’est pas forcément un obstacle. La peur de la marque et les codes rigides peuvent être dépassés.

Des tendances au-delà des frontières

Le storytelling est désormais incontournable, quel que soit le pays. L’origine évoque la typicité, le millésime l’authenticité, les cépages la variété gustative… autant de récits socioculturels extraordinaires.

Il est intéressant de voir comment certaines marques à succès en France ont adopté les nouvelles stratégies de marque. L’importance du branding individuel est passée outre frontières. La marque est cruciale dans le vin, et sa valeur ne cesse de croître. Le champagne a montré la voie de l’innovation en France.

Le mouvement mixologie, consistant pour les bars à créer des cocktails uniques, est aussi une opportunité en or dans un contexte où les consommateurs recherchent une expérience personnalisée. Des vins de Sauternes se mettent aux cocktails pour doper leurs ventes.

Recommandations pour la filière

  • Travailler la visibilité et identité de la marque
  • Miser sur le renouveau et la création d’un univers
  • Personnifier la marque et lui donner une voix

En somme, les habitudes de consommation ont bousculé le vin, forcé à devenir une expérience et une histoire plus qu’un simple breuvage. Ce n’est plus le contenu comestible qui est vendu, mais le récit, le ton, la personnalité. Le consommateur s’est imposé au centre de tout, obligeant marques et domaines à trouver leur unicité, à réfléchir à leur identité et leur message. L’effort doit porter sur la communication et le marketing. Dans un contexte concurrence accrue du fait de la mondialisation, l’innovation et la créativité sont essentielles pour créer de la résonance et de la préférence de marque.

Emma Cauvy

Emma Cauvy, originaire du Languedoc et professionnelle du vin, est la Brand Ambassador de Souleil, une nouvelle marque française de vin biologique. Franco-américaine, elle travaille entre New York et Paris et allie dans son travail ses deux passions: le voyage et la communication. Elle a rejoint Souleil en septembre 2022 après avoir fait partie de l’équipe de Gérard Bertrand, au service communication, en tant qu’Assistante Relation Presse. Une réelle opportunité de rencontrer de nombreux journalistes spécialisés vin, gastronomie et art de vivre, et d’organiser
des masterclasses en compagnie de Pierre-Alexis Mengual, Chef Sommelier Exécutif de GÉRARD BERTRAND.


Emma est titulaire du diplôme WSET2. Parallèlement à sa carrière, elle poursuit un Master of Science à l’Institut Supérieur du Vin (ISV), spécialisé dans le management international des vins et spiritueux.

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